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Sortir de l’euro ? Pourquoi le Frexit semble Urgent selon certains ?!

Quand je lis les commentaires de mes abonnés après mes vidéos sur l’euro, une remarque revient souvent :

« Thami, tu n’as rien compris, l’euro est une catastrophe, il faut en sortir au plus vite ! »

Certains me parlent de souveraineté perdue, d’économie sous perfusion, de Bruxelles qui dicte nos lois, de peuples sacrifiés.

Je respecte tous les points de vue. Mais ce que je remarque, c’est que la plupart de ces opinions reposent sur des raccourcis, des approximations, ou des discours entendus à droite à gauche. Et parfois, ils sont relayés sans recul, sans analyse.

Je ne dis pas que l’euro est parfait. Bien au contraire.

Mais je ne pense pas non plus que ce soit le grand complot monétaire contre les peuples.

Je vais vous donner un exemple simple et concret :

Je vis à Dubaï. La monnaie ici, c’est le dirham. Ce n’est pas le dollar. Et pourtant, le dirham est rattaché au dollar à taux fixe. C’est comme si on utilisait du dollar.

Les Émirats n’ont rien à voir avec les États-Unis. Ni la langue, ni la culture, ni le système économique.

Et pourtant, ils ont fait le choix stratégique de la stabilité monétaire, en s’alignant sur une devise forte.

Pourquoi ?

Parce que dans un monde instable, une monnaie stable est un atout stratégique.

Et c’est exactement ce qu’est l’euro.

Mais contrairement aux Émirats, en Europe, certains trouvent ça insupportable d’avoir une monnaie commune avec leurs voisins.

Alors il y a un problème. Et ce problème n’est ni la monnaie elle-même, ni la logique économique derrière sa création.

Le problème, c’est le manque de pédagogie, d’explication, de fond.

C’est pour ça que je vous propose ici une analyse complète, rationnelle et argumentée sur l’euro.

Je vais vous expliquer pourquoi il a été créé, ce qu’il permet, ce qu’il empêche, pourquoi certains le critiquent à tort… et surtout pourquoi je pense que malgré ses limites, les avantages de l’euro l’emportent largement sur ses défauts.

Vous serez ensuite libre de vous faire votre propre avis.

Peut-être qu’à la fin de cet article, vous vous direz :

« Non, l’euro est une erreur historique. »

Ou au contraire :

« OK, ce n’est pas parfait, mais c’est cohérent, et c’est mieux que le retour au franc. »

Ce qui compte pour moi, ce n’est pas que vous soyez d’accord.

Ce qui compte, c’est que vous compreniez vraiment les enjeux.

I. Pourquoi l’euro a été créé : un projet avant tout économique et stratégique

1. Le contexte des années 70-90 : instabilité et dévaluations

Durant les années 1970 et 1980, l’Europe est secouée par une forte instabilité monétaire. Les régimes de changes flottants instaurés après la fin de Bretton Woods en 1971 mènent à des dévaluations fréquentes, notamment en France, en Italie ou en Espagne. La France dévalue à plusieurs reprises le franc face au mark allemand.

Ces dévaluations, censées restaurer la compétitivité à court terme, ont des conséquences néfastes :

  • inflation récurrente,
  • dégradation de la balance commerciale,
  • perte de confiance des investisseurs,
  • instabilité des prix et des anticipations.

Une parenthèse essentielle : les dévaluations successives du franc français

Avant l’introduction de l’euro, la France a connu une série de dévaluations brutales du franc, symptomatiques de son instabilité monétaire chronique :

  • En 1981, le franc est dévalué de 3 %.
  • En 1982, une nouvelle dévaluation de 5,75 % est appliquée.
  • En 1983, le franc est encore une fois dévalué de 8 %.
  • En 1986, une nouvelle baisse de 3 % intervient.

Au total, sur une période de cinq ans, le franc a perdu près de 20 % de sa valeur face au mark allemand. Ces ajustements répétés témoignent d’une incapacité à maintenir une monnaie stable, avec des conséquences économiques lourdes.

🔻 Les effets concrets de cette instabilité

  1. Fuite massive des capitaux : les investisseurs, craignant une nouvelle dévaluation, retiraient leurs fonds de France, aggravant la pression sur le franc.
  2. Déficit commercial structurel : en 1982, le déficit commercial français s’élevait à près de 30 milliards de francs (environ 4,5 milliards d’euros), un record à l’époque, dû à une perte de compétitivité et une importation massive de biens industriels étrangers.
  3. Perte de crédibilité sur les marchés : la Banque de France était perçue comme faible, soumise aux choix politiques court-termistes, incapable de garantir la stabilité des prix.

🎯 Pourquoi cela a mené à une quête de stabilité

Ces dévaluations n’ont pas résolu les problèmes de fond. Elles ont :

  • masqué l’absence de réformes structurelles,
  • alimenté l’inflation,
  • affaibli durablement la confiance des marchés.

Ce constat a conduit les autorités françaises à changer radicalement de stratégie à partir de 1983, en s’alignant sur le modèle allemand de monnaie forte. L’objectif était désormais clair : mettre fin aux dévaluations, stabiliser la monnaie, et restaurer la crédibilité de la politique économique.

Ce tournant a préparé le terrain pour l’euro. C’est parce que le franc était instable que la France a défendu la création d’une monnaie unique, garante d’une discipline durable.

2. Le modèle allemand : rigueur et monnaie forte

L’Allemagne, traumatisée par l’hyperinflation des années 1920, adopte une politique de monnaie forte, symbolisée par la Bundesbank. Ce modèle valorise la discipline budgétaire, la compétitivité industrielle, et l’autonomie de la banque centrale.

Contrairement aux pays qui s’appuient sur la dévaluation pour gagner des parts de marché, l’Allemagne cherche à être structurellement compétitive, avec des gains de productivité réels. Son modèle devient une référence dans les années 1980.

3. Le tournant de 1983 : la France s’aligne sur l’Allemagne

François Mitterrand, élu en 1981, tente une relance keynésienne. Mais très vite, le pays est sanctionné par les marchés : fuites de capitaux, chute du franc, tensions avec l’Allemagne. En 1983, le tournant de la rigueur est acté : la France renonce aux dévaluations, accepte la stabilité monétaire et adopte une politique de désinflation compétitive.

Ce moment est essentiel : la France reconnaît que pour survivre dans une économie ouverte, il vaut mieux s’adapter à la rigueur allemande que de s’y opposer. Cela préfigure la future union monétaire.

4. Le rêve d’une intégration européenne

Au-delà de l’aspect économique, l’euro s’inscrit dans une logique politique : faire converger les États européens autour d’un projet commun, réduire les tensions passées, et assurer une plus grande unité face à des puissances comme les États-Unis ou la Chine.

L’euro devait être l’étape ultime de la construction européenne : une monnaie commune pour un marché commun.

II. Les fondements théoriques solides de l’euro

L’euro n’est pas une construction improvisée. Il repose sur des travaux académiques rigoureux, menés par plusieurs Prix Nobel d’économie et écoles de pensée influentes. Comprendre ces fondements permet d’éviter les jugements hâtifs.

1. La théorie des choix publics : méfiance envers l’État

La théorie des choix publics (James Buchanan, Gordon Tullock) remet en question l’idée que les gouvernements agissent toujours pour le bien commun. Elle propose une lecture "réaliste" de la politique économique :

  • Les hommes politiques agissent comme tout individu : en poursuivant leur propre intérêt (souvent leur réélection).
  • Ils ont donc tendance à adopter des politiques populistes ou court-termistes, notamment en matière économique et monétaire.
  • Avant les élections, ils peuvent être tentés de relancer artificiellement l’économie pour s’attirer les faveurs de lélectorat (augmentation des dépenses publiques, baisse des taux d’intérêt).

Cette vision s’oppose à l’idée d’un État bienveillant et rationnel. Elle justifie pleinement la délégation de la politique monétaire à une institution indépendante, comme la Banque centrale européenne (BCE).

2. Les cycles politiques économiques : une manipulation récurrente

Les travaux de Nordhaus, Barro, puis Alesina ont modélisé les « cycles économiques politiques ». Ils montrent que :

  • Les gouvernements manipulent l’économie (relance, inflation) pour créer un climat favorable avant les élections.
  • Cela conduit à une perte de crédibilité et une instabilité économique récurrente.

L’indépendance de la BCE est donc un rempart contre ces dérives opportunistes.

3. Lucas, Kydland et Prescott : l’importance de la crédibilité monétaire

Le Prix Nobel Robert Lucas introduit la théorie des anticipations rationnelles. Il explique que :

  • Les agents économiques anticipent les politiques économiques futures.
  • Une politique de relance trop prévisible devient inefficace, car les acteurs adaptent leur comportement (hausse des prix, baisse de l’efficacité de l’investissement).

Kydland et Prescott (Prix Nobel 2004) vont plus loin avec le concept de cohérence temporelle :

  • Une politique optimale à court terme (par exemple, baisser les taux pour relancer) peut devenir destructrice à long terme (inflation, perte de crédibilité).
  • Il faut donc adopter une règle stable, prévisible et non manipulable.

Ces idées ont inspiré le modèle de la BCE :

  • Un mandat clair (stabilité des prix),
  • Une autonomie politique totale,
  • Une communication transparente.

4. Milton Friedman et l’inflation comme phénomène monétaire

Friedman a affirmé que :

« L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire. »

Cela signifie que le seul moyen de lutter durablement contre l’inflation est de contrôler rigoureusement la création monétaire. Une banque centrale soumise au pouvoir politique aura toujours tendance à créer de la monnaie pour financer les déficits publics.

Déléguer la politique monétaire à des technocrates indépendants n’est pas une lubie. C’est une nécessité économique pour éviter l’inflation, les bulles, et l’instabilité électorale permanente.

III. Les apports concrets de l’euro

Après avoir posé les bases théoriques de l’euro, il est fondamental d’examiner ce que cette monnaie unique a réellement apporté à l’Europe. Car si les critiques sont nombreuses, elles occultent souvent les effets positifs, concrets et mesurables, que l’euro a permis depuis sa création.

1. Fin des crises de change et de la spéculation intra-européenne

Avant l’euro, les pays européens vivaient sous la menace constante des attaques spéculatives :

  • La France a été attaquée en 1992 et 1993 sur le franc.
  • L’Italie a été contrainte de sortir du SME.
  • Le Royaume-Uni a connu le célèbre "mercredi noir" (1992) avec la chute de la livre.

Depuis l’euro, ces phénomènes ont disparu entre pays membres :

  • Plus de dévaluations compétitives,
  • Plus de tensions monétaires internes,
  • Une stabilité de long terme qui a favorisé les flux d’investissement.

2. Une baisse historique des taux d’intérêt

Grâce à la crédibilité de la BCE et à la disparition du risque de change :

  • Les pays du Sud (Espagne, Italie, Grèce) ont bénéficié pendant des années de taux d’intérêt historiquement bas.
  • Cela a réduit le coût de la dette publique,
  • Et permis un accès plus facile au crédit pour les ménages et les entreprises.

Cela a aussi favorisé un boom de l’immobilier dans plusieurs pays, certes parfois excessif (Espagne, Irlande), mais incontestablement soutenu par une stabilité monétaire nouvelle.

3. Une transparence des prix et une concurrence accrue

Avec l’euro :

  • Les prix sont comparables directement entre pays.
  • Cela a entraîné une baisse des prix sur de nombreux biens durables (électroménager, voitures, électronique).
  • Cela a aussi contraint les entreprises à s’aligner sur les meilleurs standards européens.

Même les touristes et les consommateurs en ligne bénéficient de cette simplification : un seul prix, une seule monnaie, pas de frais de change.

4. Une intégration commerciale renforcée

L’euro a facilité :

  • Les échanges intracommunautaires,
  • Les investissements croisés,
  • Les implantations d’entreprises dans d’autres pays de la zone euro.

Aujourd’hui, environ 65 % du commerce extérieur français se fait avec des pays de la zone euro. Cette intégration a été facilitée par la disparition des barrières monétaires.

5. Une position géopolitique renforcée

L’euro est devenu :

  • La deuxième devise mondiale après le dollar en termes de réserves de change,
  • Une monnaie d’émission pour les grandes entreprises,
  • Un outil de souveraineté collective face aux États-Unis et à la Chine.

C’est aussi un bouclier monétaire pour les pays plus fragiles : sans l’euro, certains auraient vu leur devise s’effondrer lors des crises (Grèce, Italie), entraînant une inflation massive.

IV. Les limites structurelles de l’euro

Si l’euro a permis des avancées majeures en matière de stabilité, de transparence et d’intégration, il souffre néanmoins de failles structurelles profondes. Ces failles s’expliquent par la nature même de la construction européenne : une monnaie commune sans véritable union politique ni budgétaire.

1 - Une grille de lecture essentielle : le triangle d'incompatibilité de Mundell

L’économiste canadien Robert Mundell, prix Nobel en 1999, a théorisé un principe fondamental de la macroéconomie internationale : le trilemme de Mundell, ou triangle d’incompatibilité.

Selon cette théorie, un pays ne peut pas simultanément atteindre les trois objectifs suivants :

  1. Un taux de change fixe (comme dans une union monétaire ou avec un arrimage à une autre monnaie),
  2. Une politique monétaire autonome (c’est-à-dire pouvoir baisser ou monter ses taux d’intérêt en fonction de ses besoins économiques),
  3. La libre circulation des capitaux (pas de contrôle sur les flux de capitaux entrants ou sortants).
👉 On ne peut en choisir que deux. Le troisième doit être sacrifié.

🧩 Le cas de la zone euro

Dans le cadre de l’euro, les pays ont choisi :

  • ✅ une monnaie commune (donc un taux de change parfaitement fixe entre eux),
  • ✅ la libre circulation des capitaux (liberté totale des flux financiers entre pays membres).

Mais cela implique automatiquement de renoncer à la politique monétaire nationale.
Les taux d’intérêt, la masse monétaire, la gestion de l’inflation sont désormais déterminés par la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort, pour l’ensemble des pays membres, quelles que soient leurs situations spécifiques.

❌ Pourquoi cela pose problème ?

Dans une union monétaire, les pays membres peuvent être confrontés à des situations économiques très différentes (croissance, chômage, inflation, dette). Mais ils ne peuvent plus adapter leur politique monétaire à leur propre conjoncture.

🔧 Avant l’euro : chaque pays pouvait ajuster

  • Une récession ? ➝ Baisse des taux d’intérêt, relance monétaire.
  • Une perte de compétitivité ? ➝ Dévaluation de la monnaie, boost des exportations.
  • Une surchauffe ? ➝ Hausse des taux, pour contenir l’inflation.

2. Les chocs asymétriques : un piège pour les pays fragiles

Un choc asymétrique est un événement économique qui frappe un ou plusieurs pays, mais pas l’ensemble de la zone. Exemples :

  • Crise immobilière en Espagne,
  • Crise industrielle en Italie,
  • Crise budgétaire en Grèce.

Or, les pays membres de la zone euro ne peuvent plus :

  • dévaluer leur monnaie pour retrouver de la compétitivité,
  • relancer via une politique monétaire accommodante,
  • bénéficier de transferts automatiques comme aux États-Unis (où le budget fédéral joue ce rôle).

Ils doivent donc appliquer des politiques de rigueur (baisse des salaires, hausse des impôts), ce qui aggrave souvent la crise au lieu de la résoudre.

3. Une union monétaire sans union budgétaire

Contrairement aux États-Unis, où le budget fédéral permet de lisser les chocs locaux, la zone euro repose sur une logique de discipline nationale, sans mécanisme automatique de solidarité.

Cette situation crée :

  • des tensions politiques (Nord contre Sud),
  • une remise en cause de la légitimité de l’euro dans les pays les plus touchés,
  • des crises à répétition, comme celle de la dette grecque.

4. Une monnaie unique mais des économies divergentes

L’Allemagne a une économie exportatrice, industrielle, disciplinée budgétairement. Elle s’accommode très bien d’une monnaie forte.

Mais d’autres pays comme l’Italie, la Grèce ou le Portugal :

  • ont des déficits extérieurs chroniques,
  • une productivité plus faible,
  • une démographie défavorable.

Pour eux, l’euro peut devenir un carcan, les empêchant d’ajuster leur économie à temps.

5. Une Europe vieillissante et conservatrice

Le vieillissement démographique pèse lourdement sur la croissance :

  • hausse des dépenses de santé et de retraite,
  • baisse de la population active,
  • ralentissement de l’innovation.

Combinée à une aversion au risque, à une bureaucratie lourde et à un conservatisme idéologique, cette dynamique freine les réformes structurelles indispensables.

6. Manque de mobilité et rigidités sociales

Contrairement aux États-Unis :

  • un chômeur espagnol ne déménage pas naturellement en Allemagne,
  • les langues, les diplômes, la culture du travail sont différents,
  • les systèmes sociaux sont trop hétérogènes.

Cela limite l’efficacité d’un marché du travail européen intégré, pourtant crucial en union monétaire.

V. Les fausses critiques contre l’euro et les vrais problèmes

L’euro concentre aujourd’hui de nombreuses critiques. Certaines sont justifiées, comme nous l’avons vu dans le bloc précédent. Mais d’autres, souvent relayées sur les réseaux sociaux ou dans les discours politiques populistes, sont infondées ou exagérées. Il est essentiel de faire la part des choses entre les vraies limites structurelles de la zone euro et les problèmes extérieurs que l’on tente de lui imputer à tort.

Non, l’euro n’est pas responsable de l’explosion des inégalités

Les inégalités se sont aggravées dans de nombreux pays européens, mais :

  • Ce phénomène est mondial, pas spécifique à la zone euro.
  • Il est davantage lié à la mondialisation, à l’automatisation, à la financiarisation de l’économie.
  • Les États membres conservent des leviers fiscaux et sociaux pour corriger ces déséquilibres (impôts, redistribution, services publics).

Blâmer l’euro revient à ignorer la responsabilité des politiques nationales.

Non, l’euro n’a pas empêché l’innovation… mais il ne l’a pas favorisée non plus

L’Europe souffre d’un retard en matière de technologies, d’intelligence artificielle, et de numérique. Mais ce retard :

  • précède la création de l’euro,
  • s’explique par le manque de capital-risque, la frilosité entrepreneuriale, la lenteur réglementaire,
  • reflète des choix politiques nationaux en matière d’éducation, de fiscalité et de financement.

L’euro n’est ni un accélérateur, ni un frein à l’innovation. Il est neutre sur ce terrain, mais il pourrait devenir un levier… à condition d’une stratégie industrielle commune.

Non, le franc ne permettait pas plus de prospérité

La nostalgie du franc repose souvent sur des souvenirs déformés :

  • Dans les années 1980, la France dévaluait régulièrement, mais cela entraînait inflation, perte de pouvoir d’achat, instabilité.
  • Le franc était régulièrement attaqué sur les marchés.
  • Le modèle de « dévaluation compétitive » était inefficace à long terme.

Aujourd’hui, un retour au franc signifierait :

  • une explosion des taux d’intérêt,
  • une perte massive de confiance des investisseurs,
  • une hausse des prix des produits importés,
  • une fuite des capitaux.

Sortir de l’euro ne résoudrait aucun des problèmes mentionnés. Au contraire, cela en créerait de nouveaux, bien plus graves.

VI. Que faire ? Comment améliorer la zone euro

Reconnaître les limites de l’euro ne signifie pas qu’il faille le rejeter. Cela implique plutôt d’en tirer les leçons et de corriger ses failles structurelles. Voici les pistes prioritaires pour rendre l’euro plus résilient, plus efficace et plus légitime aux yeux des citoyens européens.

1. Créer un véritable budget fédéral européen

L’un des plus grands manques de la zone euro, c’est l’absence d’un budget commun permettant :

  • des transferts automatiques en cas de choc asymétrique,
  • des investissements massifs dans les infrastructures, la transition énergétique, l’innovation,
  • un stabilisateur économique capable de soutenir les pays en crise sans passer par des mécanismes d’urgence lents et conditionnels.

Ce budget ne doit pas être gigantesque, mais suffisant pour jouer un rôle contracyclique réel. Il suppose aussi un pas vers plus de souveraineté budgétaire partagée.

2. Finaliser l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux

Pour que la monnaie unique fonctionne efficacement, il faut :

  • une protection commune des dépôts bancaires dans toute la zone euro,
  • une supervision bancaire totalement intégrée,
  • une meilleure circulation du capital entre les États membres.

Cela réduirait les risques systémiques, faciliterait le financement des entreprises, et renforcerait la solidité du système financier européen.

3. Harmoniser les politiques fiscales et sociales

Aujourd’hui, des pays comme l’Irlande ou les Pays-Bas pratiquent une forme de concurrence fiscale agressive, ce qui nuit à l’équilibre global. Il faudrait :

  • limiter le dumping fiscal intra-européen,
  • poser des seuils communs de taxation sur les sociétés ou de normes sociales,
  • lutter contre les stratégies d’optimisation extrême.

Cela permettrait de restaurer un niveau de justice économique au sein de la zone.

4. Stimuler l’innovation et l’investissement productif

L’Europe doit cesser de dépendre des États-Unis pour l’innovation technologique. Il est urgent de :

  • créer un fonds européen pour l’innovation doté de moyens massifs,
  • développer un marché unique du numérique,
  • soutenir activement les startups européennes.

Une monnaie forte ne suffit pas : il faut aussi un écosystème entrepreneurial performant.

5. Encourager la mobilité du travail et la convergence structurelle

L’euro ne pourra fonctionner correctement que si :

  • les travailleurs peuvent se déplacer facilement d’un pays à l’autre,
  • les systèmes de formation, de diplômes, et de sécurité sociale deviennent plus compatibles,
  • les écarts de productivité se réduisent par des réformes structurelles profondes dans les pays les moins compétitifs.

Il ne s’agit pas d’unifier tout, mais de rendre le système plus fluide, plus intégré et plus réactif.

6. Réformer la gouvernance de la zone euro

Enfin, les décisions en matière économique sont trop lentes, trop technocratiques. Il faut :

  • simplifier les processus de décision,
  • donner plus de pouvoir démocratique au Parlement européen sur les questions budgétaires,
  • créer un ministère européen de l’économie pour piloter l’ensemble avec cohérence.

VII. Conclusion – L’euro, une monnaie imparfaite mais indispensable

L’euro n’est pas une monnaie parfaite. Il est né d’un compromis entre souverainetés nationales et ambition fédérale. Il a été conçu sans budget commun, sans gouvernement économique unifié, et sans mobilité parfaite des travailleurs. Il repose sur l’idée que des pays aux cultures, aux productivités et aux trajectoires différentes peuvent partager une même politique monétaire. Ce pari est risqué. Et il a montré ses limites.

Mais malgré toutes ses imperfections, l’euro a apporté à l’Europe plus de stabilité, plus de crédibilité et plus de puissance que ne l’aurait permis un retour à 27 monnaies nationales. Il a protégé les économies fragiles de l’hyperinflation, des crises de change, et permis aux entreprises européennes de se projeter à l’échelle continentale.

Sortir de l’euro aujourd’hui ? Ce serait :

  • replonger dans l’instabilité monétaire,
  • subir une explosion des taux d’intérêt,
  • perdre la confiance des marchés internationaux,
  • affaiblir définitivement l’Union européenne face aux grandes puissances.

Mais garder l’euro sans le réformer, sans corriger ses failles, sans créer les outils de solidarité, ce serait le condamner à l’usure et à la contestation permanente.

Ce qu’il faut, ce n’est pas un Frexit, mais une refondation ambitieuse et lucide de la zone euro.

Oui, l’euro a été un projet imparfait.

Mais oui, c’est un projet qu’il faut améliorer, pas détruire.

Et pour cela, il faut de la pédagogie, du courage politique, et une vision de long terme. C’est exactement ce que cet article a voulu vous apporter : une compréhension claire, rigoureuse, dépassionnée, pour vous aider à vous forger un avis éclairé.

À vous maintenant de juger.